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D'OÙ SUIS-JE ? On me dit d'un pays, je suis né dans un autre. Espagnol pour les uns, je suis français pour d'autres. Suis-je fils de templier ou bâtard sarrasin, frère croisé ou vassal maure. Mes parents sont venus du fin fond de l'Espagne, Un pays désertique, toujours chauffé à blanc, Entre el monte Zulum y el rio Chicamo. La montagne est pelée, aride, brûlée. Et le lit du rio, est voie de transhumance, Les ânes, avec leurs sabots ont creusé des ravines, sur les flancs des collines. Les palmiers sont décors, les grenades lampions, Les oliviers noueux : enfoncent leurs racines, dans le sol torturé, Parfois, le vent vient de la mer, chargé d'humidité, Je suis né en Rouergue, dans le Nord Aveyron, Pour eux, ce fut comme Amérique. Ils y trouvèrent un toit, une grande fabrique, Et pour leurs enfants, une école publique ... gratuite! Une montage aussi, aussi pelée que l'autre, Mais le ruisseau, ici, était plein à ras bord. L'air était saturé de fines particules : plomb, cadmium, acides mélangés. Nos poumons s'y sont faits, n'ayant connu rien d'autre. Tous les arbres crevaient, laissant à nu la roche. Je suis né à Viviez, Place de la Victoire, 3 Novembre, jour de la St-Hubert. Ma vie fut partagée par la faute des langues. Parfois François, Paquico pour les miens. Nous étions des «macaques», on l'a vite compris. On leur mangeait le pain, ils nous l'ont assez dit. A l'école, on réclamait vengeance, A l'appel du matin, c'était réjouissance. Dans les trois premiers, jamais un seul français, Montoro ... présent, Rubira ... présent, Martinez ... présent, Des noms de petite Arménie et de Sainte Russie, Puis, enfin consonance française : Calmejane, Fagegaltier, Falip. Nos parents venaient de toutes les Espagne : Galice, Aragon, Castille, mais surtout de Murcie. J'ai grand respect pour cette communale qui dispensait à tous le même savoir, Mon maître était athée ... le seul dans le village. Il m'a appris la liberté, l'égalité, surtout la tolérance. Il s'appelait Gaston Lescure. Il espérait qu'un jour sous ce beau ciel de France, De toutes nationalités, de toutes religions, Et je peux vous assurer que la loi sur l'A.D.N. l'aurait humilié, lui, le Français. Au con, condescendant, qui me demande, me voyant si bronzé : Je réponds avec aplomb, un rien acide, de dos à mon crassier, En riant aux éclats: «Moi, Monsieur, mon pays c'est Viviez ». Venez jusqu'au cimetière, à Laubarède, Vous les verrez bien alignés, tous parallèles, tous ces vieux de la vieille, De leur vivant, ce fut parfois difficile, Mais à jamais, et pour l'éternité, les voilà, enfin des intégrés.
Du pueblo d'Abanilla, province de Murcie.
Du désert de Dos Buenos, je serai donc issu ?
Entre touffes d'esparto, manzanillas assoiffées.
D'aucuns, crient au miracle, devant tantde bonté.
Où vinrent s'échouer mes parents ibériques.
Son nom c'était «pelée », pour eux ce fut « pela».
Puis des noms bizarres : A vakian, Verbyski,
Même si parfois on était peu sincères en parlant des gaulois, en se sentant ibères.
Etre blanc ou noir, jaune ou rouge,
De Murcie, de Provence, serait sans importance.
« Et toi, de quel pays tu es ? »
Tout en restant poli en bon petit Français,
Français, Espagnols, Arméniens, Russes ou Polonais,