Le temps est un fluide incolore, inodore, lent ou rapide, insipide parfois, mais il sera pour nous, hélas, toujours mortel. Le temps des premiers jours où le passé est court et l'avenir si loin.
Le bébé qui gazouille n'a, je vous assure, que quatre idées en tête : téter, roter, pisser dans ses couches et se chier dessus.
Puis vient le temps de l'école, premier marron, grosse torgnole, poussant tous les enfants à être vite grand.
Le temps qui suit est celui des mystères, de notre puberté, métamorphoses, découverte des sens ; adorables nymphettes jaillies de corps d'enfants.
Le temps de l'adolescence, celui de nos vingt ans, qui pour toute la vie nous ferait référence. Les temps des beaux baisers et des belles promesses.
Un temps pour vous, les femmes, la première grossesse, neuf mois, moins d'une année, c'est si vite passé. Le premier qui arrive est toujours désiré. Il n'en est pas de même pour les quatre d'après. Doucement, dit la sage femme, baiser c'est bien facile, mais il faut assumer. Assumer, déjà, les nuits blanches, les biberons froids, le pipi qui sent fort et les couches verdâtres.
Le temps s'écoule moins serein déjà. Faut voir pour les études, bâtir notre maison, changer notre voiture avant que l'on se tue. A nous, nuits d'insomnie avec tous nos crédits.
Le temps des cinquante ans et les premières baisses. Pour vous, Mesdames, la ménopause et ses grosses chaleurs. Pour vous, Messieurs, premiers désagréments dûs à votre prostate.
Le temps donné à nos hommes de science, va bien sûr vous aider pendant quelques années. Pour vos bouffées de chaleur, les pilules seront rondes et vertes, et pour vous, malheureux, le Viagra sera bleu.
Temps de pentes glissantes, retraites anticipées, le temps qui vous pousse, semble s'accélérer. Le temps du 3ème âge est enfin arrivé. De plus en plus vite, il vous pousse vers votre destinée.
C'est enfin le temps de l'égalité, pauvres, riches, tous mélangés dans les couloirs sinistres des hôpitaux civils ou bien privés. Pour la première fois, tous on voit écrit au-dessus de la porte «Salle de Gériatrie». On aura un lit blanc, mécanisé sans doute, des trucs pour s'accrocher. On aura pistolet et alèse glissante.
Notre passé sera long, notre présent fugace. Nous gratterons du doigt notre mince avenir et alors comme dans notre enfance on pourra vous et moi... se rechier dessus !
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