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Paco - Le club Med

                                                                 Le club Med

     En ce mois de février 1939 la rumeur naît, grossit, enfle. Il paraît, c’est la rumeur qui le dit, que
tras los montes
, ces belles Pyrénées, le premier club Med est implanté. Un peu à la hâte, dira-t-on plus tard, mais sur le moment, on dut s’en contenter. A cause d’une putain de guerre, pas classique, non, civile, la plus cruelle, celle entre frères. Des perdants qui reculent, hélas les perdants reculent toujours. Et sans priori, on bouscule les choses établies. Ils montent vers le nord, la seule issue possible, vers la frontière de ce pays ami. Ils sont des milliers sur les routes, les chemins et les sentiers car ils ont à leurs trousses de bien cruels guerriers. Ils ont lutté pendant trois ans. Certains, les derniers, avec leurs mains, voire leurs dents. Ils ont fait naître des légendes, des noms d’éternité : Madrid, Teruel, Belchite, Guadalajara, Brunete. Et chantaient « Carmela » sur les rives de l’Ebro.
      Et aujourd’hui, ils reculent, non comme des couards, mais se sentant trahis. Trahis, ils l’ont été par de nombreux pays. Ils sont des milliers, troupeau hétéroclite, soldats blessés, sans armes, et civils mélangés, femmes, enfants, bébés agglutinés. Il n’y a pas de panique, mais urgence pour se sauver. Il fait froid. La masse noire transhume vers ce qu’elle croit être la liberté. Ils vont apprendre par cœur, afin de les transmettre plus tard à leurs petits enfants des noms qui feront mal pendant des décennies : Le Perthus, Prats de Mollo, Bourg-Madame, Cerbère. Là, ils sont attendus et de quelle manière ! Des soldats à cheval leur prennent leurs fusils, gentiment diront les uns, un peu violemment diront les autres. Ils ont une escorte de choix, triée sur le volet, ce qui se fait de mieux dans l’armée française, des soldats sénégalais. « Ne poussez pas, il y a de la place, des Rochers du Racou jusqu’aux étangs de Leucate, tout est à vous ! ».
 C’est, à la carte, Argelès, St-Cyprien, le Barcarès. Entre de hauts barbelés aux pointes acérées et la mer bleue, presque noire, et ses vagues glacées, vous voila libres. Du sable à profusion, de l’eau pour vous laver et, grâce à la tramontane, un local très aéré ! On s’organise, on creuse des trous avec les mains, les doigts ; on s’enfonce pour se mettre à l’abri.
 C’est, à la carte, Argelès, St-Cyprien, le Barcarès. Entre de hauts barbelés aux pointes acérées et la mer bleue, presque noire, et ses vagues glacées, vous voila libres. Du sable à profusion, de l’eau pour vous laver et, grâce à la tramontane, un local très aéré ! On s’organise, on creuse des trous avec les mains, les doigts ; on s’enfonce pour se mettre à l’abri.
  Avant, il a eu le terrible tri, les hommes ici, les femmes et les enfants, là-bas. Il y a eu des cris, des pleurs, des mères hagardes qui cherchent leurs petits. Certaines les retrouvent ; pour d’autres, c’est fini. Leur vie durant, elles vont se mépriser de les avoir, ce jour-là, oubliés, où ? quand ? comment ? Où sont-ils à présent ?
 Puis, c’est l’ultime outrage, c’est la distribution, le prétendu partage de l’alimentation. Les mains se tendent pour un morceau de pain que l’on leur jette, un peu comme à des chiens. Humiliés, ils le sont, le seront à jamais. Les jours passent, poussent les premières baraques. C’est sûr, ça va durer ! On enterre les morts (le sable, c’est pratique). Les réfugiés, par groupes, s’organisent. Les fumées des roulantes donnent un semblant de vie à ces plages immenses devenues leur pays. Il faudra des années pour qu’enfin elles se vident. Par ponction, au compte-gouttes : « Vous, camp de travailleurs ! ». Ce groupe de jeunes hirsutes repart pour la guerre, choisissant la Légion Etrangère, car à partir de maintenant, où que les mènent leurs pas, ils seront des étrangers, des réfugiés, donnons de la couleur, des rouges, des anarchistes.
 
 
    Vous qui aujourd’hui arpentez ces belles plages, peignées, ratissées, surveillées par des marins pompiers, posez vos pieds avec délicatesse et humilité. Car ce sable à tout jamais, pour nous espagnols, il est sacré. Parents d’aujourd’hui que l’on nomme touristes, dites à vos enfants jouant à leur château de sable : « venez là un instant, écoutez cette histoire un peu triste mais qu’il vous faut connaître, pour, plus tard, la transmettre vous aussi. Il était une fois un petit Pablito et une petite Carmelita qui ont joué ici, où vous êtes assis. » Racontez, racontez mais faites en sorte, et quoi qu’il vous en coûte, que pour ces innocents qui vous écoutent, l’histoire finisse bien.


Date de création : 24/06/2009 16:20
Dernière modification : 24/06/2009 16:27
Catégorie : Paco


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